Claude René BELLANGER

  Claude René  BELLANGER   1768-1845 

tombeau

Sur le très beau site classé de la Chapelle Sainte BARBE à proximité de la ville du FAOUËT au milieu d’un petit enclos que les anciens appellent encore le « Jardin de BELLANGER » se trouve un tombeau, sur lequel est gravé, sous l’insigne de la égion d’honneur, l’inscription suivante :

 

copieincription

tombeau regravé

Quel est donc cet officier de la Révolution et de l’Empire, maire du Faouët de 1830 à 1835, qui par un testament original (ci-après) se fait enterrer sur ce site remarquable ?

 « Au nom de l’Etre inconnu, créateur de toutes choses, auquel je me suis constamment efforcé de rendre hommage par ma conduite et mes actions, je veux et entends que ma dépouille mortelle soit transportée sur la montagne Sainte Barbe et soit déposée, sans cérémonial et sans autre cortège que celui du maire, de la garde nationale et de mes amis, dans le tombeau que j’y ai fait préparer.
                « Je déclare nommer pour exécuter mes dernières volontés à ce sujet, Monsieur Augustin Bargain, notaire au Faouët, auquel je remets la somme de 120 francs dont il fera l’emploi qui suit, savoir :
quarante trois francs seront remis à titre de gratification aux six gardes nationaux qui après ma mort, se chargeront de transporter ou plutôt de porter mon cercueil depuis mon domicile jusqu’à mon tombeau
sur la dite montagne de Sainte Barbe.
                – soixante francs seront donnés pour un achat de poudre à tirer et pour rafraîchissements aux gardes nationaux qui, l’arme sous le bras gauche, escorteront mon convoi jusqu’à ma dernière demeure.
                – et douze francs seront payés au tambour pour l’achat de soixante
centimètres de drap noir pour couvrir sa caisse.
               « Les autres dépenses que nécessiteront mes funérailles seront prises
sur ma succession.
               « Fait, écrit, daté et signé par moi, au Faouët le vingt août mille huit
cent quarante et un ».
 cHEF DE BATAILLON BELLANGER

  Claude René  BELLANGER  

Claude René Bellanger est né au Faouët le 27 août 1768, son père était chapelier.

 Le 16 août 1791, il s’inscrit sur l’état des volontaires de la garde nationale. Il est élu Lieutenant. Il   part le 1er octobre 1791 avec le 1er Bataillon du Morbihan

L’OFFICIER

lesoldat

Avec ce bataillon (570 hommes) il part à Saint Domingue en juillet 1792. Il sera blessé par balle en février 1793. Les rescapés, une trentaine, seront de retour à Brest le 1er novembre 1793.

Avec ce bataillon réorganisé qui deviendra par la suite 61ème demi-Brigade,  puis 76ème régiment d’Infanterie de Ligne, il combat les chouans jusqu’en 1796 puis il rejoint l’armée du Rhin, l’Armée d’Helvétie, de Hanovre.

En 1804, il est à la Grande Armée, à Montreuil, au camp de Boulogne, au 6ème Corps d’Armée (celui de Ney). Il participera à la bataille d’Elchingen, d’Ulm  récupère au passage les drapeaux de son régiment, pris par les Autrichiens en Helvétie. Il sera aussi à Iéna, à Eylau, à Friedland.

drapeau retrouve

Entre temps il est promu capitaine le 20 mai 1797, fait prisonnier de guerre par les Autrichiens du 18 mai 1799 au 4 septembre 1800, nommé chevalier de la Légion d’honneur le 14 avril 1807, blessé par balles le 6 juin 1807 près de Friedland.

SERMENT LEGION D4HONNEUR

En 1808, C R Bellanger, toujours au sein du 6ème corps d’Armée du Maréchal NEY, quitte la Silésie pour rejoindre l’Espagne, puis le Portugal.

Distingué par sa bravoure et son comportement exemplaire il est promu chef de bataillon le 22 juin 1811 et affecté au 59ème Régiment d’Infanterie de Ligne

En 1813, le chef de bataillon Bellanger  après avoir traversé la péninsule ibérique et une partie de l’Europe, participe à la défense de Dantzig. Le 9 juin il est à nouveau blessé par balles, mais, de constitution solide, il se fait remarquer,  dès le 4 septembre, par trois actions d’éclat successives. Pour ces différentes actions il sera cité dans le dictionnaire des braves de Napoléon. Le siège de Dantzig fut une des époques les plus glorieuses de la carrière militaire de CR Bellanger.

Il sera fait prisonnier de guerre par les Russes le 2 février 1814 et rentrera en France le 15 août 1814.

 

LE MAIRE

 

Claude René Bellanger est au conseil municipal de la commune du Faouët, dés 1824.  Sa signature Chef de Bataillon  en retraite figure  sur les délibérations du Conseil Municipal  jusqu’en 1844.

En 1830, à l’issue des trois glorieuses, connu pour la hardiesse de ses idées libérales, dont il ne fait pas mystère, il sera nommé  maire de la commune du Faouët.

Dés son installation il réclame le rattachement du Faouët au département du Finistère

Bien avant les lois Guizot et Ferry, il fait preuve d’idées très avancées concernant en particulier la nécessité d’un enseignement primaire public et gratuit.

De son passage dans les nombreuses villes d’Europe qu’il a traversées au cours de ses campagnes, il a remarqué et apprécié la qualité de vie que pouvait amener aux habitants une belle place et il souhaite en faire bénéficier les Faouëtais.

Estimant nécessaire et bien fondé ces travaux C R Bellanger va tout faire pour leur réalisation. Il menace de démissionner, argumente, intervient vigoureusement … finalement après des échanges de correspondances très vives  il obtient l’accord du préfet « sous réserve de fixer le placement de chacun sur toute l’étendue de la place, pour chaque marché et foire ».

 

Les travaux seront donc réalisés et donneront à cette place l’aspect qu’elle a encore aujourd’hui L’excellente gestion des affaires de la cité lui vaudra la sympathie unanime de ses concitoyens qui décideront après sa mort de donner à la place située entre la mairie et les halles le nom de «place BELLANGER »

Il vivra trente années au milieu des siens et parmi ses citoyens qui ne cessent de lui vouer une admiration sans borne pour ses faits d’armes. Conseiller municipal de 1824 à 1844, Maire de 1830 à 1835, imprégné des idées et principes de la Révolution, il marquera son mandat par ses idées libérales.

le citoyen

LE CITOYEN

Le  9 Février 1817 il se marie  avec Dame Perrine Pélagie BARGAIN, née le 25 août 1786 au FAOUËT, veuve de Joseph HEMON , docteur en médecine. Il n’aura pas d’enfant. Tout en prenant soin de l’enfant adoptif de son épouse il protège sa sœur et ses enfants. Son épouse décède le 25 août 1827.

Le 20 août 1841 il acquiert une parcelle de terre sur le plateau de la colline Sainte Barbe près du campanile qui abrite les cloches de la chapelle et s’y fait construire un tombeau. Il rédige son  testament où il précise les détails du déroulement de ses obsèques futures.

Le 8 avril 1845, Claude René BELLANGER, rendait le dernier soupir. Ses funérailles (enterrement civil) se déroulèrent comme il l’avait souhaité dans son testament.

Les héritiers de la famille BELLANGER cédèrent au conseil de fabrique de l’Eglise Paroissiale le terrain où se trouve le tombeau de René – Claude BELLANGER sous les conditions de pourvoir au frais d’entretien du Monument et de faire dire deux messes annuelles et perpétuelles pour le repos de l’âme du défunt.

Cette cession, en date du 7 octobre 1860, fut acceptée d’autant plus aisément par le conseil de fabrique que le Président en était  alors Alexis BARGAIN, cousin germain par alliance de Claude René BELLANGER.

Les conditions de la cession furent strictement respectées, jusqu’au moment où les conseils de fabrique ont été supprimées et les biens du Clergé confisqués (décembre 1906)

Ainsi vécu Claude René Bellanger : républicain de la première heure, officier de la Révolution et de l’Empire mais aussi citoyen, conseiller municipal et Maire du Faouët.

 

RESTAURATION ET INAUGURATION DU TOMBEAU DE

CLAUDE RENÉ BELLANGER

            Le tombeau de Claude René Bellanger a été restauré en 2005, avec l’aide de la mairie du Faouët sur une initiative de la Délégation Générale du Souvenir Français du Morbihan avec la participation financière : du siège du Souvenir Français Paris, du Conseil général du Morbihan,de l’Association de Soutien à l’Armée Française,  du Comité du Souvenir Français de Gourin, de la section du Morbihan de la Société d’entraide des membres de la Légion d’honneur du Morbihan, du Souvenir napoléonien, et de l’Association des Officiers de Carrière du Morbihan.

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inauguration

le Maitre d'oeuvre Bernard Bardet

 Le Maître d’oeuvre Bernard BARDET

Il reste deux exemplaires d’une notice biographique détaillée (73 pages) s’adresser à :

Délégué Général du Souvenir Français pour le MORBIHAN Kéravélo 56 450 THEIX (Tél 02 97 43 26 22)

Pour toute demande de renseignement complémentaire  envoyer votre message au « contact » sur le site (colonne de droite)

 

                  Au centre de la place  des Halles, Près de la Place Bellanger, face à la Mairie s’élève un menhir à la gloire du plus jeune poilu de France de la première guerre mondiale

Jean Corentin CARRE.

                   Sur cette place,  l’ancien grognard de Napoléon

Claude René BELLANGER,

accueille son glorieux cadet Jean Corentin CARRE

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NOTICE BIOGRAPHIQUE

CHEF DE BATAILLON   Claude René BELLANGER

 

Sur le très beau site classé de la Chapelle Sainte BARBE à proximité de la ville du FAOUËT au milieu d’un petit enclos que les anciens appellent encore le « Jardin de BELLANGER » se trouve un tombeau.

Gravé en relief Sur la grande pierre d’ardoise qui forme la dalle funéraire , on peut remarquer,  entre l’insigne de la Légion d’Honneur et des fleurs dans un vase, l’inscription suivante gravée en relief :

Ci        Gît

Claude René BELLANGER

Chef de Bataillon en retraite

Membre de la Légion d’Honneur

Lieutenant du 1er Bataillon du Morbihan

il  quitta volontairement

ses foyers le 1er octobre 1791

pour aller combattre pour la liberté

et l’indépendance de sa Patrie

il y rentra le 22 décembre 1814

Il y mourut à l’âge de 76 ans

Le 8 avril 1845

 Quel est donc cet officier de la Révolution et de l’Empire, maire du Faouët de 1830 à 1835 et qui par un testament original se fait enterrer sur ce site remarquable ?

Claude René Bellanger est né au Faouët, le 27 août 1768, quelques années avant le début de la Révolution Le Faouët, c’est le pays du roi Morvan, des seigneurs de Bouteville[2],

de Goulaine et du Marquis de la Fresnais ; mais il est aussi connu par les méfaits du brigand Guy Eder de la Fontenelle et de Marie-Louise Tromel, dite la Marion du Faouët, qui ont sévi dans les environs.

En 1790, Le Faouët, qui jusque-là, relève du doyenné et de la sénéchaussée de Gourin, est érigé en commune et en chef-lieu de canton avec Meslan comme dépendance, puis il l’emporte sur Gourin comme chef lieu de district dans le Morbihan. Il regroupera dix sept communes et 33 300 habitants jusqu’en 1800.

Ce pays embrasse rapidement et avec ardeur les idées révolutionnaires. Son recteur Monsieur Mathurin Bertho, prête serment à la Constitution civile du clergé. Il est même élu procureur syndic du directoire. Les membres du directoire siègeront d’abord  au presbytère dans une pièce mise à leur disposition par Monsieur le Recteur  puis au  couvent que les Ursulines quittent en 1792.[3]

A plusieurs reprises les Chouans lancent des attaques contre la ville mais elle ne sera jamais prise

Le lendemain de sa naissance, le 28 août 1768, Claude René Bellanger, fils naturel et légitime de François Bellanger et de Marie Jeanne Le Verd, est solennellement baptisé par Monsieur Samson prêtre ; ses parrain et marraine sont Claude René Bellanger son grand père et Mathurine Bellanger

Le nom et la signature de Claude René Bellanger, son grand-père, figurent dans de nombreux actes, civils, paroissiaux ou notariés de cette fin du 18ème siècle, signe de sa notoriété.Le nom de Bellanger est alors assez répandu au Faouët. En 1793,  plusieurs commerçants et artisans portent ce nom dans la ville. Un de ses cousins, Jean Jacques BELLANGER,  chapelier de profession, attaqué par les Chouans en 1794 et 1796, se montre l’un des plus ardents parmi les patriotes de la cité. Il est instituteur en 1794 et juge de paix en 1799. Louis BELLANGER, boucher au FAOUËT, fournisseur de viande aux casernes  voisines, sera  tué par les Chouans le 29 décembre 1794.

On sait assez peu de choses sur sa jeunesse sinon qu’il a reçu une bonne éducation et une bonne instruction ; d’ailleurs il sera élu lieutenant par ses pairs.

A 23 ans, il se porte volontaire pour le 1er Bataillon du Morbihan.

Comme le rappelle son épitaphe, Claude René Bellanger quitte ses foyers le 1er octobre 1791 pour aller combattre pour la liberté et l’indépendance de la Patrie pour en revenir le 22 décembre 1814. Cet homme , ce républicain de la première heure, aura un destin exceptionnel dans une période les plus riches de notre histoire,..

Extrait de baptême de Claude René BELLANGER

Les campagnes de Claude René Bellanger

 pendant la Révolution

 

 Le Lieutenant Bellanger au 1er Bataillon du Morbihan

 Le Premier bataillon des volontaires du Morbihan est créé à la suite des décrets de l’Assemblée Constituante pris en juin 1791, prescrivant de faire dans chaque département une levée de gardes nationaux de bonne volonté pour être employés au service de la Patrie.

Le 16 août 1791, 25 volontaires du FAOUËT sont  inscrits sur l’Etat des volontaires de la Garde Nationale de la Municipalité, engagés pour les frontières de la onzième division depuis l’embouchure de la Loire jusqu’à Saint Malo. Le plus jeune avait seize ans, le plus âgé 36.  Claude René Bellanger, chapelier, le deuxième sur la liste, avait 23 ans. L’état des volontaires de la Garde nationale de la municipalité du Faouët figure en Annexe 1

 Ces volontaires[4], les seuls qui  mériteront ce beau nom, auront un comportement ultérieur qui justifiera la légende. Le choix des volontaires est fait avec beaucoup de sérieux et de nombreux volontaires auront une brillante carrière; dans le dictionnaire des maréchaux et généraux de la Révolution et de l’Empire on relève de nombreux  « Volontaires » : Joubert, Moreau, Decaen, Jourdan, Davout, Brune, Lannes, Molitor, Junot, Cambronne,….

Faute d’habillement, de campement, d’armement, de matériel sanitaire, la mobilisation s’éternise et la plupart des bataillons prennent la route accoutrés de façon invraisemblable sans même avoir perçu de vieux fusils sur leurs épaules. En revanche ils ne manquent ni de vins d’honneur ni de discours patriotiques.

Le 1er Bataillon des volontaires[5] du Morbihan est formé le 1er Octobre 1791. Composé de 570 volontaires, placés sous les ordres du Lieutenant-Colonel Alexis Lamotte du Portal, il comprend une compagnie de grenadiers et 8 compagnies. Il a été tenu compte pour les former du langage (bretonnants et gallos) et des habitudes locales. L’Annexe II donne l’état des cadres à la formation de ce bataillon.  Claude René Bellanger est affecté à la deuxième compagnie composée des volontaires de Josselin et du Faouët.

Le Bataillon est passé en revue par le Maréchal de camp Canclaux et il est alors procédé aussitôt, en exécution des décrets de l’Assemblée Constituante,  à l’élection des officiers, sous-officiers et gradés. Claude René Bellanger est élu lieutenant ; La Grouais Jacques de Josselin est le capitaine de cette deuxième Compagnie.

Le Bataillon[6] quitte Vannes pour se rendre à Port-Louis les 25 et 26 octobre 1791. Les volontaires reçoivent un début d’instruction par leurs cadres et par des sous-officiers du bataillon auxiliaire  des colonies, unité de l’Ancien Régime, également en garnison au Port-Louis.

Le 5 janvier 1792, le Bataillon reçoit son drapeau des mains du général de Canclaux assisté de deux membres du Directoire.

Le drapeau tricolore remplace le drapeau–colonel et pour ceux qui partent à la frontière il devient le symbole concret de la Patrie. D’un côté, il porte l’inscription « Discipline et obéissance à la Loi » de l’autre le Numéro du Régiment. Toutes les cravates sont aux couleurs nationales.

Malgré l’enthousiasme et les bonnes volontés, tout n’allait pas très bien. Les officiers manifestent plusieurs fois leur mécontentement : d’abord parce qu’aucun des soldats morbihannais proposés, n’a été retenu pour former la garde du roi, mais surtout parce que l’habillement et l’équipement laissent beaucoup à désirer en quantité et en qualité. De plus, des incidents éclatent entre les volontaires de ce premier  bataillon du Morbihan et les élus locaux.

La municipalité de Port-Louis, habituée aux régiments de l’ancien régime, bien encadrés et disciplinés, ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de ces volontaires plein d’allant, mais sans formation militaire et dont les cadres élus ont la réputation de ne pas avoir assez d’autorité sur leurs subordonnés.

Un soldat, ayant eu la permission de sortir, est arrêté et mis en prison par une patrouille de la garde nationale de Port Louis. Le lieutenant-colonel Du Portal fait élargir le détenu. Une soixantaine de gradés et volontaires adressent une lettre aux autorités départementales, le 24 janvier 1792, pour se plaindre des abus de pouvoir de la municipalité[7] : «La municipalité  a-t-elle le droit de s’immiscer dans la police de notre corps, qui ne peut appartenir qu’à nos chefs, de s’arroger sur nous un empire qu’elle n’a pas » ; et d’accuser la municipalité de désir de vengeance, d’incivisme et de tentative d’inciter au désordre.

Après plusieurs incidents, le 1er Bataillon quitte Port-Louis pour Pontivy le 29 février 1792. Il sera hébergé au couvent des Récollets de la ville.

Début mars, presque tous les soldats sont atteints par une épidémie de gale.

Dix mois après cet enrôlement des volontaires, le 1er Bataillon est toujours à Pontivy dans l’inactivité la plus totale. Las d’attendre et impatients de croiser le fer, ces jeunes gens souhaitent partir vers les Amériques. Ils demandent au ministre de la guerre la faveur d’être envoyés combattre en Amérique, à Saint Domingue, l’actuelle Haïti, où les esclaves se sont révoltés.

En avril 1792, l’Assemblée Nationale adopte un décret accordant l’égalité des droits aux citoyens de couleur libres. Pour faire appliquer ce décret, une commission composée des commissaires Santhonax et Polverel, sera envoyée à Saint Domingue. Elle sera accompagnée d’un corps expéditionnaire de 6000 soldats. Les unités choisies sont parmi celles qui se sont portées volontaires pour servir outre-mer. Le premier Bataillon du Morbihan fera donc partie de ce corps.

Le 6 juin 1792, le bataillon et donc le lieutenant Claude René Bellanger quittent Pontivy, pour rejoindre Nantes par Josselin, Malestroit, Redon, Blain et Savenay afin d’embarquer pour Saint Domingue. Le 9 juillet, six compagnies du bataillon embarquent sur la Louise et les trois autres sur le Philenante.

Le 1er Bataillon des volontaires du Morbihan à Saint Domingue

Au commencement de l’année 1790, l’île de Saint-Domingue est considérée comme le paradis terrestre du Nouveau-Monde. On y dénombrait  793 plantations à sucre, 3.117 à café, 786 à coton, 3.160 à indigo, 34 à cacao, 623 à grains, ignames et autres légumes. La valeur des exportations était de 114.363.096 livres tournois, argent de France.[8]

Saint Domingue était alors considérée comme la plus importante et la plus riche de nos colonies. 40 000 blancs, 350 00 hommes de couleur libres et environ 500 000 nègres esclaves forment la population de la partie française de l’île ; la partie sud et ouest appartient à l’Espagne [9]

Cap-François est le port le plus fréquenté de la partie française de l’île de Saint-Domingue. C’est une baie qui n’est ouverte qu’au seul vent de nord-est; l’entrée est très bien fortifiée. La ville est située sur la côte septentrionale de l’île, dans une belle plaine bien fertile et peuplée qui produit beaucoup de sucre.

Les Espagnols et les Anglais prirent cette ville en 1695, la pillèrent et la réduisirent en cendres. Reconstruite, ses rues sont droites et à angle droit ; dans les nombreux canaux dont la pente est  insuffisante l’eau s’écoule difficilement favorisant ainsi des espèces de cloaques qui rendent le climat malsain.

En septembre 1792, Saint Domingue est en proie à la plus grande détresse politique, morale et matérielle. Les esclaves du Nord sont en insurrection depuis août 1791, ils ont pris les armes contre les colons. Les luttes intestines entre les Blancs puis avec les Mulâtres n’ont jamais cessé. Les tentatives de négociation pour obtenir une trêve ont échoué. Aux traces visibles de ces affrontements, plantations et villes incendiées, en particulier Port-au-Prince, massacres, atrocités, s’ajoute une agitation générale des esprits doublée de rancœurs profondes.

Le 17 septembre 1792, après 58 jours d’une traversée très calme, la commission et le détachement militaire arrivent dans la rade du Cap, le 1er Bataillon ne met pied à terre que le 20 septembre. Le 21 septembre, la 2ème Compagnie et donc le lieutenant Bellanger campent à Saint Michel.

Le 26 septembre, une partie du Bataillon, dont la 2ème Compagnie et quelques renforts, se portent à Clérisse. Ce camp est aux pieds des Mornes, collines qu’occupent les révoltés.

Une publication de 1814, écrite par un contemporain des évènements, donne un aperçu de l’ambiance et de la situation de cette partie de l’île. C’est cette ambiance et cette situation que les volontaires du 1er Bataillon du Morbihan et Claude René Bellanger découvrent à leur arrivée

«  Nous étions si près que les boulets des pièces de 4 des brigands tombaient dans notre camp. Toutes les nuits nous avions des attaques, vraies ou fausses, de sorte que nous couchions toujours habillés et ne quittions même pas nos souliers. Les brigands lâchaient des coups de fusil sur nos sentinelles du milieu des champs de cannes à sucre qui ont 6 à 7 pieds de haut, de sorte qu’on ne peut répondre qu’à l’estime. Une nuit même, à la faveur des cases nègres, ils s’étaient, introduits dans le camp ; nous eûmes quelques soldats et volontaires tués Mais on leur fit lâcher prise. »

 Attaqués, presque toutes les nuits, mal nourris, buvant du vin frelaté avec du bois de Campèche, couchés en plein air, forcés de se tenir en permanence sur la défensive, nos pauvres volontaires, qui n’ont pas été payés depuis le début de la campagne, ont à subir toutes les calamités d’une guerre désastreuse.

Le général  Rochambeau, responsable alors des forces militaires à Saint Domingue est chargé par les commissaires de mener une expédition contre les Noirs, sur Ouanaminthe, poste proche de la frontière espagnole Les noirs en combattant se réfugient dans les mornes d’où il n’est pas possible de les déloger. Au cours d’un de ces affrontements, le 3 février 1793, le lieutenant Bellanger est blessé d’un coup de feu au menton.

Les initiatives[10] prisent par les commissaires Sonthonax et Polverel pour faire appliquer le décret d’avril 1792, qui fixe le sort des  hommes de couleur, sèment encore plus la discorde et la haine, entraînent des réactions de part et d’autre :  « Les têtes de prisonniers blancs, placées sur des pieux entouraient les camps des noirs et les cadavres des prisonniers noirs étaient pendus aux arbres et aux haies qui bordaient les routes qui menaient aux postes blancs »

Les lieutenants colonels Lamotte du Portal, de la Hublaye et Le Sanquer sont morts. Le 24 février 1793, le chef de bataillon Jean Marie Debray, ancien commandant de la 5ème Compagnie, un Vannetais de 48 ans est désigné pour prendre le commandement du premier bataillon du Morbihan. Il laissera une importante correspondance relatant ses aventures et celles du Bataillon à Saint Domingue. Ces lettres découvertes en 1902 permirent au Docteur de Closmadeuc, membre de la Société Polymathique du Morbihan  de faire une première relation de l’expédition de Saint Domingue dans les annales de Bretagne[11].

Le moral n’est pas au mieux comme le montrent les extraits suivants de la correspondance du  commandant Debray :

«  Deux fois mon bataillon aidé de détachements de diverses troupes, a enlevé de force le Morne Pelé. Au lieu de conserver ce Morne que les Brigands avaient fortifié et dont nous avons à chaque fois enlevé l’artillerie, on nous ramenait dans notre camp   d’où nous avions le désagrément de voir les brigands revenir  aussitôt »

« Mon Bataillon est ici au Cap en garnison depuis un mois et demi. On l’avait fait venir pour nous donner un peu de repos. Mais la vie que nous y menons vaut bien celle des camps. Malgré qu’en ce moment j’ai 110 hommes à l’hôpital, je n’en fournis pas moins des détachements aux différents camps et le peu de volontaires qui restent ici n’ont qu’une nuit sur deux pour se reposer. J’ai vu des semaines où tous ceux qui n’étaient pas de garde, étaient occupés à patrouiller, jour et nuit.

Pour combler la mesure, j’oubliais de vous dire que nous avons éprouvé depuis un mois trois tremblements de terre des plus rigoureux. A l’un d’eux, un vase haut de plus de vingt  pieds qui couronnait une fontaine publique est tombé et a tué une indigène et blessé d’autres ; la police a condamné plusieurs maisons devenues dangereuses ».

Le bataillon subit de lourdes pertes. Les combats sont durs et meurtriers. La maladie vient encore creuser davantage les rangs et encombrer les hôpitaux.

La République envoie de nouvelles troupes dans l’île. Le général Galbaud, (propriétaire à Saint Domingue favorable aux Blancs) devient le commandant supérieur des forces républicaines. La scission avec les commissaires est inévitable. Certaines troupes de terre et de mer et les colons prennent parti pour le général. Les commissaires, usant de leur pouvoir suprême, destituent Galbaud et le font embarquer pour retourner en France.

Pendant ce temps, à terre, un officier de marine frappe un Noir qui se défend. Le commissaire Santhonax blâme l’officier. Toute la flotte, indignée, demande à marcher sur le Cap. La ville est attaquée et défendue avec fureur pendant deux jours. La troupe de ligne longtemps indécise finit par se ranger du côté des commissaires.

Le 20 juin 1793, le Chef de Bataillon Debray, commandant du 1er bataillon du Morbihan, reçoit l’ordre de prendre le commandement de l’arsenal de la ville. Il s’y rend aussitôt et en organise la défense. Il connaît bien les lieux : c’est le cantonnement de son bataillon. En dehors des soldats détachés ou malades, Debray ne dispose plus que d’une trentaine d’hommes valides

Profitant de la grande confusion et exploitant le mécontentement des marins, le général Galbaud fait débarquer un détachement de marins et tente de rallier à sa cause le Commandant Debray au cri de « Vive La République ». Le commandant Debray, avec sa trentaine d’hommes ne peut résister ; il décide de ne pas mélanger sa troupe aux partisans du Général Galbaud et passe la nuit avec ses officiers et ses soldats dans un local séparé.

Santhonax, profondément irrité de la conduite de Galbaud, proclame, le 21 juin, la liberté de tous les Noirs qui s’arment pour la République. La réaction des Noirs, si longtemps courbés sous le poids de l’esclavage, est très violente.  Ils pillent les maisons, massacrent les Blancs. La ville du Cap est dévastée, incendiée.

Après le départ de Galbaud et de ses partisans de l’arsenal, le commandant Debray avec ses soldats, profitant de la confusion générale, prennent trois barques et rejoignent deux navires en rade, la Louise et  les Trois Amis, tous deux de Nantes.

Trois officiers reviennent en ville malgré l’incendie qui la ravage et les massacres qui s’y propagent pour sauver le drapeau du Bataillon, le peu d’argent qui reste dans la caisse, quelques effets et les documents administratifs. Tout le reste est perdu. Pour comble de malheur, les cent dix hommes du 1er Bataillon qui sont à l’hôpital meurent brûlés.

De fin juin au 1er juillet 1793, deux officiers et vingt cinq hommes du 1er Bataillon participent à un nouveau combat à Ouanaminthe. Ils sont faits prisonniers par les Espagnols. Compte tenu du sort qu’ils réservaient à leurs prisonniers, il valait mieux être pris par les Espagnols que par les révoltés. L’un des officiers était un Vannetais, Benjamin Pichon, qui venait d’être nommé sous-Lieutenant le 2 avril précédent. Il sera libéré trois ans plus tard et rentrera en France le 28 janvier 1797.

Sur les 570 volontaires de la formation, 359 sont morts, 159 ont été rapatriés ou  ont déserté : 25 ont été faits prisonnier par les Espagnols ; d’autres sont encore à Saint Domingue Le 19 août 1794 le Capitaine Le Bohec adresse une lettre aux citoyens administrateurs du Morbihan à Vannes dans laquelle il fait part des malheurs et de l’état d’épuisement  dans lesquels sont les 36 officiers et soldats qui sont encore avec lui. Il précise qu’il charge le lieutenant Violard de la compagnie de grenadiers, lui-même miraculé, de remettre cette lettre et de détailler leur triste situation.[12]

Dans le document précisant l’etat des cadres du bataillon du Morbihan le 22 septembre 1796 cinquante deux volontaires demeurent encore à Port de Paix, sous les ordres de 14 officiers Des volontaires du 2ème bataillon doivent être parmi  ceux-ci . On ignore leur sort ultérieur.

Le lieutenant Bellanger ne figure pas sur les différents états partiels de cette époque. Cependant ses états de services ne mentionnent aucune interruption et précisent son affectation continue au premier bataillon du Morbihan et aux Armées de l’Océan après ses campagnes aux Îles sous le Vent. Il est probablement parmi les rescapés du 1er Bataillon qui ont réussi à prendre place sur les navires nantais mouillés en rade du Cap. Ces navires font voile vers les Etats-Unis et débarquent leurs passagers à Baltimore puis à Philadelphie.

Au cours de ces neuf mois à Saint Domingue, le lieutenant Bellanger s’est aguerri, il a beaucoup enduré physiquement et moralement, il a eu à faire face en permanence à des dangers de toute sorte et a maintes fois côtoyé la mort. Mais il est fier d’appartenir à ce bataillon respecté. comme le dit le chef de Bataillon Debray :

« Les planteurs et bien d’autres habitants ne cessaient de calomnier et d’accuser les commissaires mais ils n’adressaient aucune plainte contre Galbaud, l’auteur de l’incendie  de la ville. Mon Bataillon et ses débris n’ont jamais eu l’honneur d’être aimés par cette espèce de gens. On nous appelait les patriotes mais du moins si on ne nous aimait pas on savait nous respecter »

Le Commandant Debray prend contact avec l’ambassadeur de France à Philadelphie et  fait de nombreuses démarches pour rapatrier son Bataillon Finalement le 1er Bataillon renforcé par quelques hommes recrutés sur place embarque sur le navire « La Précieuse » d’abord en direction de Saint Pierre et Miquelon puis vers la France

Reconstitution du 1er Bataillon  du Morbihan en France

 Les restes du 1er Bataillon du Morbihan arrivent en rade de Brest le 1er novembre 1793.  Le bataillon, renforcé par quelques hommes arrivés sur l’Eole doit conduire des canons à Dinan.

Entre temps, le 21 février 1793 la Convention avait décrété que l’Infanterie prendrait l’habit bleu ; la vieille troupe en blanc disparaît donc peu à peu ;  pour les anciens les nouvelles recrues restent des « BLEUS ». La Convention vote la réquisition de tous les citoyens valides de 18 à 25 ans consacrant ainsi  l’obligation légale de servir le pays.

L’institution progressive du recrutement de masse noie le fantassin de la vieille armée monarchique sous un afflux de citoyens de tous âges et de toutes catégories : toutes les classes de la société, toutes les professions y sont confondues. Les mains blanches y voisinent avec les mains calleuses ; les adolescents qui ploient sous le chargement marchent à côté de vétérans à la moustache grise.

La liberté demeure inséparable de l’égalité et quand le soldat interpelle son général le terme de « citoyen » ne manque ni d’allure ni de dignité. Pour lui, liberté et égalité ne se dissocient pas de la République. Il se bat pour les unes comme pour les autres.

Il n’est pourtant pas choyé le fantassin de la Révolution car les proclamations enflammées des tribuns de Paris n’apportent guère de « fricot » dans sa gamelle. La logistique de l’époque se caractérise par une carence affligeante, encore aggravée par la malhonnêteté de certains fournisseurs et de certains agents de l’Etat. La formule « sans pain, sans souliers » correspond malheureusement à la réalité.

Malgré les réquisitions, la tenue des soldats de la Révolution fut le plus souvent misérable. La plupart des hommes ne touchèrent qu’un uniforme et ce fut à leur ingéniosité de remplacer les vêtements usés : « Voilà dix huit mois que le même habit couche sur la terre  et me sert de couverture » écrivait un soldat à sa mère. D’autres, sous le Directoire, durent garder leur vêtement de paysan, ne reçurent qu’un fusil et un sabre et, faute de giberne, portaient leurs cartouches dans leur poches. Ces soldats loqueteux furent admirables de bonne humeur, d’endurance, d’abnégation, de générosité.

Brave, vantard, insouciant, dur à la peine, obéissant, mais inconstant le volontaire  s’aligne sur l’ancien, même si celui-ci bougonne un peu ; il accepte volontiers l’autorité du chef qui connaît son affaire.

Après 1794, la discipline s’appuie sur le civisme, le patriotisme, et l’amour-propre. Avec cela le fantassin marche sans barguigner, subit l’épreuve du feu sans trembler, attaque sans mollir et finit par gagner.

De retour à Vannes, le Chef de Bataillon Debray est chargé, par l’administration du Morbihan, de réorganiser et de compléter son Bataillon. Le rendez-vous général a lieu à Hennebont le 31 janvier 1794 avec les réquisitionnaires du Morbihan. Le recrutement s’était fait dans les districts (Le Faouët fournit 62 hommes).

Les quelques vétérans des Iles Sous le Vent, dont Claude René Bellanger, très aguerris, considèrent avec un œil critique les jeunes recrues qui n’ont pas encore quitté leur Province. Ce ne sont d’ailleurs pas des Volontaires comme en 1791, mais des requis qui n’hésitent pas à déserter.

Rien ne marchait. Le 19 pluviôse de l’An II ( 7 février 1794), le citoyen Debray, écrit à l’agent militaire Destouches à Vannes : « A mon arrivée à Hennebont, j’ai eu la douleur de voir que, malgré les précautions que j’avais prises, malgré que je n’eusse demandé que des hommes de bonne volonté, la désertion dans les requis de Vannes, Roche-Sauveur (Rochefort) est au point le plus désolant ».

Le 1er ventôse ( 19 février 1794 ), le Bataillon reçoit l’ordre de se rendre à  Péronne. Le 3 mars, il est à Rennes et reçoit un contre-ordre. Il est affecté à l’Armée des Côtes de l’Océan sous les ordres du Général en chef Hoche.

Stationnée à Beguer-Pican près de Dol, en Ille et Vilaine, il voit fondre ses effectifs par suite de désertions. Les hommes sont mal équipés et mal armés : « C’ est à peine s’ils ont 40 fusils en état », écrit le chef de Bataillon Debray qui doit aussi se défendre contre certains administrateurs comme ceux d’Auray qui interviennent en faveur de leurs protégés. D’ailleurs le 12 Ventôse (2 mars) Debray dénonce la désertion de 10 volontaires d’Auray  puis de tous les requis de ce district

Le 1er germinal de l’an II ( 21 mars 1794) le bataillon est au fort de Chateauneuf, près de Saint Malo. A Baguer-Pican ils étaient encore 800, à  Chateauneuf ils ne sont plus que 586 Hommes. Il est vrai que rien n’est fait pour maintenir le moral ; les hommes couchent sur la terre nue et sont réduits au pain sec ; ils n’ont presque pas de vêtements.

Le 5 Germinal (25 mars ) le Bataillon est dirigé sur Pontorson

Le 15 Germinal ( 4 avril ) il est à Bayeux

Il est passé en revue  le 14 avril par le représentant Pomme , dit Pomme l’Américain qui le complète avec  517 réquisitionnaires du 16ème Bataillon de PARIS, et est ainsi composé moitié de Parisiens  et moitié de Morbihannais, « les premiers un peu inquiets, turbulents et cependant obéissant à leurs chefs ; les seconds très bornés mais soumis »

A la fin de prairial (début juin), ordre est donné de porter le bataillon à « Rocher de la Liberté »  et à Carentan

 Bellanger, au sein de la 61éme demi-Brigade de bataille à la poursuite des Chouans en Normandie

Le 10 mai 1794 (21 Floréal de l’an II) le 1er Bataillon de volontaires du Morbihan  disparaît de l’ordre de bataille. Il est amalgamé avec le 1er Bataillon du 31ème Régiment (Ancien Régiment d’AUNIS) et le 8ème bataillon des Volontaires de la Manche pour former la  61ème Demi-Brigade de Bataille. L’association d’un bataillon de vieux soldats ( les habits blancs) et de deux bataillons de volontaires (les habits bleus) forme une demi-brigade. L’effectif est de l’ordre de 3000 hommes. La réunion de deux demi-brigades constitue une brigade. Les brigades regroupées par deux complétée par l’adjonction de batteries d’artillerie et d’escadrons de cavalerie forment une division forte de 12 000 Hommes environ..

 Le nouveau chef de corps est le chef de brigade colonel Louis Camus Il avait débuté simple grenadier au régiment d’Aunis et avait franchi tous les grades. Le premier bataillon de cette nouvelle unité est commandé par Alexis Loisivy, un Morbihannais, vétéran de Saint Domingue l’ancien lieutenant de la 6ème compagnie du 1er Bataillon du Morbihan ; le chef de bataillon Debray garde le commandement du 3ème Bataillon.

L’amalgame, décidé en juin 1793, devient une réalité au début 1794, par la  création dans le cadre divisionnaire des demi-brigades ; chaque  brigade comprend deux demi-brigades de 3 bataillons. Les 3 bataillons comprennent chacun 8 compagnies de fusiliers et une de grenadiers ; chaque bataillon (et parfois chaque compagnie) est composé pour un tiers, d’unités et d’hommes provenant des trois corps fusionnés : unités de l’ancien régime, de volontaires et de ci-devant.

C’est le premier amalgame ; les unités de l’ancien régime sont mélangées avec celles des volontaires de 1791 et années suivantes. Le but de l’opération est en réalité de rompre avec la tradition ; c’est de déroyaliser les régiments, de rompre l’esprit de la ligne, confondre tous les éléments dangereux  mais aussi de faire profiter aux plus jeunes de l’expérience des anciens.

Les Chouans

Après le vote de la constitution civile du Clergé les paysans prirent parti pour les prêtres qui refusent le serment et provoquèrent les premiers troubles en 1791. Toutefois le soulèvement général éclata  en mars 1793 après la levée par  la convention de 300 000 hommes. Elle s’étendit à 10 départements de l’ouest jusqu’en 1795  Après les échecs de Cholet, du Mans,.. les insurgés forment des bandes presque impossibles à détruire dans le bocage hérissé de chemins creux, de hautes haies vives, propres à la guerre de partisans.  « Ils sont de ce côté-ci environ douze cents écrit en mai 1794 un volontaire républicain.  Il y a au moins 12000 hommes après eux et on ne peut les joindre. »

C’est dans ce contexte que notre lieutenant Claude René Bellanger, républicain  de la première heure, va au sein de la 61ème Demi-Brigade de Bataille poursuivre les « chouans » en Normandie

Le 25 Messidor  (13 Juillet ) il est à Caen

Le 3 Thermidor ( 21 Juillet )  à Dieppe

Le 8 Vendémiaire ( 29 septembre ) à Tinchebray

Le 16 ( 7 Octobre )  au camp de Saint Cormier,

Le 27  (18 Octobre )  à Gers

Le 3 Brumaire ( 24 Octobre )   à Saint Clément,

Le 10 ( 31 Octobre ) à Barenton ,

Le 16 ( 6 Novembre )  à Bomer

Le 20 ( 10 Novembre )  à La Ferté Macé

Le 26 ( 16 Novembre )  au camp de Mont Aiguillon

Le 5 Frimaire ( 25 Novembre ) au camp de Morgantin

Le 7 ( 27 Novembre ) à Teilleul

L’hiver  1794 -1795 est précoce et particulièrement froid. La moyenne des températures est inférieure à moins 10 degrés ; des températures inférieures à moins 20 degrés ont été relevées à Rouen

Le 27 Nivôse an III, (16 Janvier 1795), à Ernée Le sort des volontaires ne s’est guère amélioré ; le chef de bataillon Debray, écrit le 19 janvier, à l’adjudant général Fortin : « Tâche de nous procurer des souliers, tu ne saurais croire combien je souffre de voir mes pauvres volontaires, nus pieds, au milieu des neiges, c’est presque la totalité qui est ainsi »

Et après ce froid il y a eu une tempête de pluie suivie d’inondations. Puis   fin mars 1795 les stocks alimentaires sont au plus bas et la disette se transforme en famine.

Depuis son retour en France, le chef de bataillon Debray  écrit qu’il n’a pas eu un séjour complet de trois semaines au même endroit. Dans ces conditions difficiles, la 61ème Demi-brigade poursuit les Chouans en  Normandie et Maine pendant toute l’année 1795

La politique d’apaisement menée par le général citoyen Hoche  dans l’ouest porte ses fruits. Au nord de la Loire les combats sont de plus en plus sporadiques. Stofflet ancien garde-chasse, un des premiers chefs des partisans, subit  une nouvelle défaite à Chemillé le 2 avril 1795 et son camp sera découvert et détruit le 26 avril Il signera lui aussi les accords de pacification

Les uns après les autres les chefs vendéens et chouans sont tués ou se rendent. Début 1796 Stofflet et Charrette, ancien capitaine d’infanterie, sont arrêtés et fusillés.

Le parti royaliste est entièrement désorganisé. Seul le comte de la Puisaye maintient entre Bretagne et Normandie une faible résistance sporadique. Quelques chefs obscurs, abandonnés, cachés sous des habits de paysans, traînent dans les bois leur misérable existence et ne sont plus en mesure de s’opposer sérieusement aux républicains. Les soldats républicains se rendent maître de tout l’ouest. Hoche, ce guerrier citoyen, leur chef, par d’habiles et justes concessions en matière religieuse, a su obtenir cette pacification.

Les unités sont maintenant disponibles pour enfin aller se battre aux frontières.

Face à un ennemi, hélas Français, qui se disperse et se regroupe rapidement, mal logé, mal nourri, le lieutenant Bellanger s’est encore aguerri. Il a été sous l’autorité du Général Citoyen Hoche, célèbre parmi les troupes pour sa droiture et sa bravoure. Comme lui il a été témoin des horreurs qui accompagnent les guerres civiles et a pu dire «Heureux sont ceux qui n’ont à combattre que des étrangers » et constatant l’efficacité de la conduite pacifique tenue par Hoche, il a certainement approuvé et appliqué la politique de ce jeune général préférant aider, protéger, défendre plutôt que massacrer, piller, tuer ou incendier.

Vis à vis des nouveaux volontaires et des «bleus» il a réussi l’amalgame. C’est un combattant confirmé sachant endurer les conditions les plus difficiles avec bonne humeur, donnant aux plus jeunes par sa compétence et son assurance, le bon exemple.

Mais il a aussi été imprégné des grands et généreux principes, le principe primordial de l’égalité des hommes, la nécessité de la liberté, de fraternité, des idées démocratiques, des idées de justice, de l’enseignement primaire, la convention avait décrété bien avant Guizot et J Ferry l’obligation et la gratuité de l’enseignement primaire, l’assistance et la protection des plus démunis, la société devait procurer travail ou aide aux pauvres rendant ainsi l’aumône et la mendicité inutiles et donc interdites. Il retiendra et appliquera plus tard lorsqu’il sera maire du Faouët ces principes généreux .

Au cours de ces récentes années il a assisté aux tentatives de destruction du catholicisme, à l’établissement du nouveau calendrier, à la fermeture des églises, aux cérémonies du culte de la raison et surtout en juin 1794 aux fêtes de l’Être suprême. «Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme.» Il restera profondément attaché à cet Être suprême devenu dans son testament en 1840 l’Être inconnu: «Au nom de l’Être inconnu, créateur de toutes choses, auquel je me suis constamment efforcé de rendre hommage par ma conduite et mes actions»

C’est vraisemblablement aussi à cette période, après avoir recherché et poursuivi ces Chouans catholiques, qu’il est devenu anticlérical. Il le montrera ultérieurement. Il souhaitera être enterré sur la montagne Sainte Barbe et quelques jours avant sa mort il refusera par testament «d’être enterré dans les cérémonies de l’Eglise»

Le Lieutenant Claude René Bellanger  participe aux campagnes d’Allemagne

 Au milieu de l’année 1796, la 61éme demi-Brigade quitte l’Armée des Côtes de l’Océan pour rejoindre l’Armée de Rhin et Moselle sous les Ordres du  Général Moreau, corps de Desaix « La 61éme Demi-Brigade et 2 bataillons de la 78éme attaquèrent les hauteurs entre Hopperg et Heinfeld à l’est de Nuremberg, et forcèrent les Autrichiens à abandonner leur position[13]

 En fin 1795 il y a plus de 900 000 fantassins pour 988 bataillons. Au 1er mai 1796, 420000 hommes sont réellement sur les rangs. Cette réduction d’effectifs entraîne de nombreuses réductions d’unités et permet d’éliminer les formations indisciplinées ou hétéroclites. En même temps les cadres sont triés : les médiocres disparaissent, les meilleurs s’imposent.

Ainsi le 12 septembre 1796 (26 fructidor an IV) la 61ème Demi-Brigade disparaît à son tour. Elle est amalgamée avec la 76ème Demi-Brigade et des troupes destinées à la 62ème Brigade pour former la 76ème Demi-Brigade de Ligne ; les numéros changent mais les hommes restent.  Le colonel Louis Camus devient le Commandant de cette 76ème Demi-Brigade de Ligne.

La 76ème demi-brigade de Ligne et la 68èmeont pour mission, de défendre Kehl et les ouvrages qui entourent ce fort. C’est ainsi qu’ils fortifient fin 1796, l’île d’Herlen-Rhein.

Le 31 décembre 1796 le Lieutenant Crécé, un Vannetais, ancien tambour major du 1er Bataillon des volontaires du Morbihan à Saint Domingue, devenu Lieutenant se distingue particulièrement au siège de Kehl.[14]

1Drapeaux Des 61 et 76 DEMI BRIGADE

On retrouve un bataillon de la 76ème Demi-Brigade commandé par l’adjudant Général Heudelet débusquer un détachement de 300 Autrichiens corps francs de Michalowitz le forcer à passer de l’autre côté de la rive. De nombreux renforts arrivaient chez les Autrichiens. Ils lancent des contre attaques sur le village de Diersheim, bousculent les Français déjà malmenés par les tirs d’Artillerie et pressés par les flammes. Ils se replient jusqu’à l’église. Un bataillon de la  76ème demi-brigade arriva et le combat se poursuivit avec un acharnement sans exemple. Avec l’arrivée des renforts français, les troupes ennemies se replièrent. La 76ème résista encore avec la plus grande fermeté aux assauts autrichiens.[15] Ce mouvement permit aux autres troupes de franchir le Rhin.

Le lieutenant BELLANGER participe à toutes les actions de la Demi-Brigade et est très justement récompensé : il est promu capitaine le 20 mai 1 797

Le Capitaine Bellanger avec la 76ème  demi-brigade à l’Armée d’Helvétie

A la fin de 1797, la 76ème Demi-Brigade est affectée à l’Armée d’Helvétie sous les ordres du général Schauenbourg et participe à la prise de Soleure sur la rivière Aar, entre dans Berne et combat l’insurrection d’Hunterwald

En Suisse, où les cantons étaient en lutte les uns contre les autres ; le Directoire intervient en 1798 et bouleverse l’ancienne confédération et lui substitue la République Helvétique. Mais la seconde coalition met 350000  hommes en ligne contre le Directoire qui ne dispose que de 15000 soldats dispersés entre la Hollande, la Suisse et l’Italie. Au milieu de l’année 1799, battus en Allemagne et en Italie, les Français sont ramenés sur leurs frontières, seul Masséna qui commande l’Armée d’Helvétie se maintient derrière la Limmat et la Lnth en face d’une armée Austro-russe, établie à Zurich.

Les Autrichiens s’étant emparés du Saint Gothard, exhortent les habitants des petits cantons et les invitent à reprendre les armes contre la France. Plusieurs bataillons autrichiens et milices suisses occupèrent ainsi les villages de Zurzach,t Egliseau.,Airolo et Schweiz dans cette région des grisons.

Le 28 avril 1799, le Chef de Bataillon Jean Marie Debray le vétéran de l’expédition de Saint Domingue, le Commandant du 1er Bataillon du Morbihan, est tué au cours d’un combat contre les insurgés du canton de  Schweiz .

Le 18 mai 1799, à quelques kilomètres de là,  à Airolo au pied du Saint Gothard le Capitaine Claude René Bellanger est fait prisonnier par les Autrichiens.

Le 28 mai 1799, les Autrichiens attaquent la position de Airolo et de Schweiz. Les Français bousculés sont obligés de se retirer. C’est vraisemblablement au cours de cette attaque que la 76éme  Demi- Brigade de Ligne, a perdu deux de ses drapeaux.

Masséna , avant le regroupement des troupes autro-russes battit d’abord les Russes puis les Autrichiens sauvant la France d’une invasion et amènent la dislocation de la deuxième coalition.

Le Capitaine Claude René Bellanger restera prisonnier de guerre jusqu’au 4 septembre 1800. Il rejoindra alors la 76èm  demi-brigade rattachée alors à l’Armée du Rhin.

En 1800, une armée autrichienne menace encore la frontière du Rhin. Bonaparte oppose à cette armée redoutable, Moreau auquel il donne ses meilleurs troupes et plus de 100000 hommes. Moreau repousse les Autrichiens en Bavière au delà de Munich. Le 3 décembre, il les amena à combattre sur un terrain soigneusement reconnu par lui dans la forêt de Hohenlinden .

Dés novembre 1800, Claude René Bellanger reprend avec son unité la direction de Munich et participe en décembre 1800 à la mémorable bataille de Hohenlinden, entre l’Inn et l’Yser, à l’est de Munich dont les résultats immédiats de la victoire furent 100 pièces de canon et 11000 prisonniers. Moreau dit le soir à ses généraux qui avaient si bien exécutés ses dispositions « Félicitons nous, messieurs, nous venons de conquérir la  paix » Après cette belle victoire les unités poursuivent l’armée autrichienne qui bat en retraite en se défendant ardemment mais la route de Vienne est ouverte La paix fut conclue à Lunéville le 8 février 1801.

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Ney reçoit du général en chef Moreau l’ordre d’attaquer (bataille d’Hohenlinden)

La bataille de Hohenlinden fut un exemple d’un accord parfait entre les commandants des différents corps de troupe. L’armée qui combattait à Hohenlinden était certainement la meilleure qui eût été mise en campagne par le gouvernement français, depuis le commencement de la guerre. Elle était formée de vieux soldats ou d’hommes aguerris, les officiers étaient très instruits (dont le capitaine Bellanger) et les hommes bien entraînés[16]

Après ce traité la paix est rétablie sur le continent ; seule l’Angleterre reste en armes ; après de difficiles négociations, le traité d’Amiens fut signé le 25 mars 1802 et accueilli par les Français et les Anglais avec beaucoup d’enthousiasme.

Mais la rupture fut voulue par les Anglais qui n’acceptent  pas le refus de Napoléon de signer un traité de commerce, de quitter Malte un an après l’accord définitif.  Bonaparte souhaitait ardemment la paix ; il s’efforça d’éviter la rupture. Les Anglais saisirent les navires Français et Hollandais qui étaient dans leur port. Napoléon fait alors aussitôt occuper l’électorat de Hanovre, possession personnelle du roi d’Angleterre. C’est ainsi que Claude René Bellanger avec le 76ème R I au sein de l’Armée du Hanovre commandée par le Général  Mortier puis par le Général Bernadotte participe à l’invasion de cette province.

En même temps Napoléon prépare une descente en Angleterre en concentrant au voisinage du Pas de Calais depuis Bruges jusqu’à Montreuil une force de 150 000 Hommes dont la masse principale est au camp de Boulogne.

[2] C’est d’ailleurs Jean de Bouteville qui le 4 juillet 1489 fait donation à Jehan de Toulboudou d’un terrain sur une montagne appelée « Roc’h ar manarc’h bran » ( la montagne du grand corbeau ) pour fonder et édifier une chapelle en l’honneur de dame Sainte Barbe.

[3] Histoire, archéologiques, féodales et religieuses des paroisses du diocèse de Vannes J M Le Mené (Bibliothèque de la SPM C684 –1)

[4] Le fantassin

[5] Archives Départementales du Morbihan Les volontaires du Morbihan

[6] Un Redonnais au premier bataillon du Morbihan, Yvonick Danard

[7] Archives Départementales du Morbihan  L 550

[8] Journal de Paris, 23 frimaire an X.

[9]France Militaire, Histoire des Armées françaises, tome 1, page  260

[10] –  France Militaire,. Histoire des Armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1837

[11]  Annales de Bretagne

[12] Archives départementales du Morbihan L 577

[13]Victoires, conquêtes, désastres des Français par une Société de militaires et de gens de lettres. (bibliothèque de la S P M : M 37 tome 5 page 328

[14] Un Redonnais au 1er bataillon du Morbihan Yvonick Danard ( Bibliothèque SPM : BB773)

[15] Victoires, conquêtes, désastres des Français par une Société de militaires et de gens de lettres. (bibliothèque de la S P M : M 37 tome 8

[16] France militaire tome III

Les campagnes de Claude René Bellanger

pendant le premier Empire

 L’arrêté des consuls du 24 septembre 1803 (1er vendémiaire an XIII) permit au demi-brigade de reprendre le vieux titre de régiment. La 76ème Demi-Brigade de bataille devint ainsi le 76ème Régiment d’Infanterie de Ligne, toujours affecté à l’Armée d’Hanovre

Le capitaine Bellanger à la « Grande Armée »

 Nous retrouvons le Capitaine Bellanger, toujours au 76ème RI de Ligne mais en France, à  Montreuil,  dans le Pas de Calais, participant à la création du camp de Boulogne . Le Régiment est commandé par le Colonel Faure-Lajonquière. Il fait partie de la Grande Armée. En raison de l’importance des effectifs (180000 hommes et 340 canons) Napoléon adopte une unité tactique nouvelle le corps d’Armée. Chaque corps comprend de deux à quatre divisions d’infanterie de l’artillerie et le nombre d’escadrons de cavalerie légère, de hussards et chasseurs nécessaire à la sûreté. L’effectif varie de 20000 à 40000 hommes. Les corps au nombre de sept désignés par un numéro et leur chef. Le 76ème RI fait partie du 6ème corps d’armée commandé par le Maréchal Ney qui commande aussi le camp de Montreuil.

Le fantassin de Napoléon reste entouré d’un halo de légende, sanglé dans sa tenue de parade, obéissant aveuglément aux ordres et défonçant tout sur le champ de bataille. La réalité  est différente. A côté de ces « grenadiers aux guêtres de coutil », il y a toute la masse de ceux qui intéressent peu les peintres officiels, ceux qui n’ont pas un liard en poche, à peine une culotte sur les fesses qui se révèlent pourtant capables de dominer leur misère à coup de gouaille, de se débrouiller, de marcher en grognant, et de se battre jusqu’au bout pour cet artilleur , qui les manipule avec tant d’adresse et qu’ils affublent, avec admiration, du grade typiquement fantassin de Petit Caporal

 Le soldat de napoléon est nourri comme il est habillé : à peu près. En période calme et à proximité des ressources nationales, il reçoit une alimentation assez grossière mais substantielle comme en témoignent les menus servis au camp de Boulogne :

« A midi, une soupe grasse avec des légumes et une petite portion de viande, le soir des pommes de terre accommodées au mauvais beurre avec des oignons et du vinaigre. Le pain de munition était noir ; l’eau de vie servant à corriger l’eau ne devait pas être bue à part, défense souvent enfreinte comme on peut le croire »

Au passage on note la place tenue par l’alcool dans la vie militaire d’alors. Les cantinières sont toujours représentées avec leur petit tonnelet de marre, de schnaps ou de ratafia. En marche, à la première halte horaire, les officiers supérieurs à tour de rôle, font les honneurs de l’eau de vie en offrant la goutte à leurs camarades et à leurs subordonnés

Mais le système d’‘approvisionnement n’est pas adapté à l’amplitude des opérations napoléoniennes. Pour subsister le fantassin fait donc comme les autres : il applique le vieil adage selon lequel «la guerre nourrit la guerre». Sous le contrôle plus ou moins débonnaire de ses chefs, il réquisitionne, mais le plus souvent il maraude ou chaparde à la façon des bandes du XVIè siècle et comme celles-ci, les régiments traînent derrière eux des retardataires. On les appelle les « fricoteurs » et il faut parfois les ramener brutalement dans le rang. La plupart du temps pourtant, ils rejoignent d’eux–mêmes quand tonne le canon.

Il ne faudrait toutefois pas déduire de là, que le passage des troupes impériales représente une calamité pour les populations car l’influence des officiers et le tempérament français freinent heureusement les excès qu’entraîne toujours une logistique insuffisante.

En 1805 l’infanterie est instruite. Fort heureusement avant son départ de Boulogne elle aura reçu une formation de base qui lui permettra d’assimiler, sans difficulté au moins les premiers renforts, envoyés à peine dégrossis  par les dépôts. Napoléon estime qu’après trois mois de service, les fantassins « doivent être à la première classe de la manœuvre et aller au feu aussi bien que les autres. De fait après 1806, l’infanterie apprendra son métier en marchant et en combattant.

Dans chaque régiment presque tous les cadres ont fait campagne plus du quart des hommes ont plus de dix ans de service. L’âge moyen des lieutenants est de 37 ans, 39 ans pour les capitaines et 40 ans pour les commandants ; les officiers qui n’ont ni instruction ni capacité pour en acquérir végètent en bas de l’échelle. A noter que  le capitaine Bellanger a alors  37 ans, et 14 ans de services et de campagne ; il est capitaine depuis 1797 ; il sera chef de Bataillon à  43 ans.

Malgré son désir d’avoir des troupes de belle apparence, l’empereur ne réalisera jamais son rêve. Les campagnes incessantes, le blocus maritime, les effectifs toujours croissants,  les finances qui ne suivent pas alors que la prévarication sévit en maints endroits l’en empêcheront. Aujourd’hui encore, quand on évoque le soldat de l’empire  on ne le conçoit guère sans bonnet à poils rehaussé d’un grand plumet rouge. Et pourtant, celui qui forme  la masse des humbles, mérite qu’on lui rende hommage, car il se bat admirablement.

Elchingen Ulm

 Dès la fin de 1804, une nouvelle coalition, la troisième se prépare elle opposera la France  à l’Autriche et la Russie (et la participation financière de l’Angleterre) et se termine après les victoires d’Ulm et d’Austerlitz par la paix de Presbourg .

Le  24 Août, Napoléon décide de la levée du camp de Boulogne. Le Maréchal Ney à la tête du 6ème Corps d’Armée, quitte Montreuil,  le Colonel Faure-Lajonquière conduit le 76ème Régiment vers le Rhin puis le Danube. Le Capitaine Claude René Bellanger  repasse de nouveau le Rhin  fin septembre et début octobre il sera à proximité du Danube. Dans un grand mouvement tournant la Grande Armée  à l’abri du jura Souabe déborde l’ennemi  à grande distance par les vallées du Main et du Neckar pour le surprendre.

Le 76 ème R I sera remarqué par l’Empereur qui le citera plusieurs fois dans le 5ème Bulletin de la Grande Armée :

 « Le  11octobre, l’ennemi fit une sortie du côté d’Ulm  et attaqua la Division Dupont. Le combat fut des plus opiniâtres. Cernés par 25 000 Autrichiens ces 6 000 braves firent face à tout, et firent 1 500 prisonniers. Ces Corps ne devaient s’étonner de rien ; c’étaient les 9è Léger, 32 et 76è Régiment d’Infanterie de ligne »

Puis toujours dans le même bulletin il écrira

« Au combat d’Elchingen qui est un des plus beaux faits militaires qu’on puisse citer, se sont distingués le 18ème régiment de Dragons …. Le Colonel Faure-Lajonquière commandant le 76 Régiment d’Infanterie et un grand nombre d’autres officiers »

Cette bataille d’Elchingen a également été l’un des plus beaux faits d’armes du Maréchal Ney. Dans le cadre de la bataille d’Ulm, le 14 octobre 1805  à la pointe du jour, le Maréchal Ney, attaque  le pont d’Elchingen sur le Danube. Le 69ème Régiment d’Infanterie de ligne qui le premier avait forcé le passage, était soutenu par le 76ème Régiment d’Infanterie de Ligne.. Après quatre heures de combat meurtrier, l’ennemi est culbuté à la troisième charge et abandonne la position d’Elchingen. C’est au cours de ces combats que le Maréchal NEY, dans l’eau jusqu’au ventre de son cheval, faisait rétablir le pont malgré la mitraille , les sapeurs tombaient et cet intrépide NEY ne bougeait pas. Cette brillante journée valut au Maréchal NEY le titre de « Duc d’Elchingen » [1]

 Toujours dans le 5ème Bulletin de la Grande Armée l’Empereur écrit

 Dans ces combats, les pertes de l’Armée française ( 500 tués et 1000 blessés) sont faibles par rapport aux pertes ennemis.( 40 000 fantassins et cavaliers, 40 drapeaux, un très grand nombre de pièces de canon)…Pour arriver à ces excellents résultats il n’avait fallu que des marches et des manœuvres. Aussi, pour le soldat Français  «L’Empereur a trouvé une nouvelle méthode de faire la guerre, il se sert de nos jambes et pas de nos baïonnettes» Les cinq sixièmes de l’armée n’ont pas tiré un coup de fusil ce dont ils s’affligent. Mais tous ont beaucoup marché et ils redoublent de célérité à l’approche de l’ennemi.

Tous les déplacements se faisaient à pied, par tous les temps, ni les uniformes ni surtout les chaussures ne résistaient aux marches forcées. Une paire de chaussures était usée en 350 Kilomètres environ. L’intendance suivait difficilement ; il n’était pas rare de voir, à l’issue d’une campagne officiers et soldats vêtus de bric et de broc, souvent avec des morceaux d’uniformes ennemis récupérés dans les magasins conquis. Le logement avait lieu, au mieux dans les villes et villages rencontrés à l’étape, au pire dans un bois ou même dans les champs. Quant à la nourriture, c’était souvent une question de débrouillardise. Le bétail rencontré le long de la route était « réquisitionné »

Depuis l’ouverture de la campagne le contraste le plus frappant se fait remarquer dans les dispositions morales des  deux armées : les Français portent au plus haut degré le sentiment de l’enthousiasme et de l’héroïsme. Le découragement s’est introduit dans l’Armée autrichienne lorsqu’elle apprends le mouvement de l’empereur sur le Danube par la Souabe. Recevant sa solde  en billets de banque qui perdent beaucoup de leur valeur. Le soldat est payé avec des cartes ; il ne peut rien envoyer chez lui et il est très mal traité. Le Français ne songe qu’à la gloire.

« Nous ne citerons qu’un seul trait, entre mille  autres du même genre. BRARD, soldat au 76ème Régiment de ligne, avait reçu un coup de feu qui nécessitait l’amputation de la cuisse. Il dit au chirurgien qui se disposait à lui faire l’opération : «   je sais que je n’en reviendrai pas ;  mais n’importe : un homme de moins n’empêchera pas le 76ème de marcher, à l’ennemi »[2]

Non content de témoigner à l’armée sa satisfaction par des paroles, ( sa déclaration aux soldats de la grande Armée) Napoléon voulut encore la récompenser  de son dévouement par des avantages et des largesses. Au quartier-général d’Elchingen il publie deux décrets ainsi conçus :

«  Considérant que la Grande Armée a obtenu, par son courage et son dévouement, des résultats qui ne devaient être espérés qu’après  une campagne et voulant lui donner une preuve de notre satisfaction, nous décrétons ce qui suit :

Art. 1er.  Le mois de Vendémiaire de l’an XIV (septembre-octobre 1805) sera compté comme une campagne à tous les individus composant la Grande Armée. Ce mois sera compté comme tel pour l’évaluation des pensions et pour les services militaires….

Le deuxième décret concerne les contributions de guerre

Enfin pour rendre cette campagne plus mémorable aux yeux des Français l’empereur envoya par une grande députation, au sénat tous les drapeaux pris à l’ennemi. La nouvelle des succès remportés par la grande armée fut reçue avec un vif enthousiasme par la nation

Le capitaine Bellanger du 76èmeRégiment d’Infanterie de Ligne a lui aussi grandement contribué à cette belle victoire et mérité les compliments de l’Empereur.

Les combats se poursuivent à la poursuite des armées autrichiennes puis russes en direction des rives de l’Inn où les troupes ennemies avaient pris position et du Tyrol .Malgré les conditions rendues difficiles par les pluies continuelles et les chemins recouverts de boues Le Maréchal Ney accélère la marche de ses troupes. Avec ses troupes particulièrement aguerries notamment le 69ème et le 76ème RI  il bouscule les obstacles  et  arrive le 7 novembre 1805 à 5 heures du soir à Innsprück ville que l’ennemi avait abandonné. Les Français y trouvèrent un arsenal rempli d’une artillerie considérable, seize mille fusils et un grand approvisionnement en poudre.

Le 76ème régiment avait perdu, pendant la campagne de Suisse, deux drapeaux qui lui avaient été pris dans le pays des Grisons. Cette perte était depuis longtemps pour le corps entier et pour le capitaine Bellanger en particulier, le motif d’une affliction profonde ; et bien que l’armée ne put accuser leur valeur constante, ces braves  se sentaient néanmoins fautifs.

Un officier, parcourant les salles de l’arsenal, reconnaît les deux emblèmes, objets d’un si noble ressentiment. Avertis par lui, tous les soldats du Régiment accourent pour contempler  ces trophées  dont ils ne Les deux drapeaux sont entourés par ces dignes guerriers qui se pressent et se heurtent afin de pouvoir toucher ces enseignes qui les guidèrent si souvent à la victoire, qu’ils avaient perdus par une circonstance indépendante de leurs efforts, et qu’ils retrouvent par l’effet de leur constance à braver  de nouveaux dangers….

Les drapeaux sont rendus cérémonieusement au 76ème RI. En les recevant des mains du vainqueur d’Elchingen, le Maréchal NEY, les vieux soldats jurent de ne les quitter désormais qu’à la mort. Ce serment fut répété par les jeunes conscrits. [3]

La remise des drapeaux du 76ème par le Maréchal Ney est représenté sur une peinture à l’huile sur toile de Charles Meynier, commandé par l’empereur en 1806 et datée de 1808. Ce tableau de (5,24 x 3,60 mètres ) se trouve à Versailles au musée du château et des Trianons.

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Tableau de MEYNIER Charles

Campagne  de Saxe et de Pologne Eylau, Friedland (oct1806- Juin 1807)

 La quatrième coalition  oppose la France à la Prusse et à lka Russie et marquée par les victoires d’Iéna et d’Auerstaedt sur les Prussiens et d’Eylau et de Friedland sur les russes et terminée par le traité de Tilsitt.

En 1806, Ney conduit le 6ème corps, dont fait toujours partie le 76 Régiment d’Infanterie de Ligne et donc le Capitaine Bellanger, aux campagnes  de Saxe  contre les Prussiens  Il participe notamment  le 14 octobre 1806 à la  batailles d’Iéna et à la débâcle de l’armée prussienne  qu’il poursuivra jusque sur la Vistule où l’armée russe la rejoindra.

Le 6 décembre 1806 le Colonel Savary , à la tête du 14ème Régiment d’Infanterie légère et des grenadiers et les voltigeurs du  76ème Régiment de Ligne… traversa le premier la Vistule à Thorn (aujourd’hui Torun) où il y eu engagement, à la suite duquel les Prussiens évacuèrent la ville [4]

Le 26 décembre 1806, l’ennemi s’étant concentré sur Soldau et Mlawa, le Maréchal Ney résolut de marcher à lui et de l’attaquer. Les Prussiens  occupaient Soldau avec 6000 hommes d’infanterie et un millier d’hommes de cavalerie ; ils comptaient, protégés par les marais et les obstacles qui environnent cette ville, être à l’abri de toute attaque. Rien ne pouvait arrêter l’impétuosité des 69ème et 76ème Régiments de Ligne chargés de l’attaque de Dzialdow  (Soldau) Ils jetèrent des madriers sur les coupures des ponts, enlevèrent les batteries au pas de course, culbutèrent l’infanterie à la baïonnette , et   entrèrent pêle-mêle dans le bourg de Soldau. L’ennemi défendit opiniâtrement toutes les rues, maison par maison mais il fut obligé d’évacuer. Le général Estocq commandant las troupes prussiennes, voyant le petit nombre de soldats qui l’avaient attaqué voulut reprendre la ville. Il fit quatre attaques successives pendant la nuit mais  aucune ne réussit. Six pièces de canon, quelques drapeaux, un assez bon nombre de prisonniers, ont été le résultat du combat de Soldau »

Fin janvier 1807 la grande armée achève de lever ses quartiers d’hiver ; le 6ème corps  était autour de Gilgenburg . L’ennemi est maintenant l’Armée russe

Le capitaine Bellanger  participe avec le 76ème à l’occupation  de la  Poméranie, aux combats  de Deppen, et la bataille d’Eylau le dimanche 8 février au milieu d’une aveuglante tempête de neige. C’est l’arrivée du 6ème Corps d’Armée du Maréchal Ney qui, à la nuit tombée, contraignit l’ennemi  à se retirer. Il est à noter lors de cette contre attaque une intervention très efficace du 59ème Régiment d’Infanterie le Régiment auquel sera affecté le futur chef de bataillon Bellanger.

Au printemps 1807, l’Empereur entreprend depuis son quartier général des négociations politiques et dirige l’administration intérieure de l’Empire. Mais cela ne l’empêche pas de veiller aux besoins de son armée, et d’entretenir  et de maintenir la discipline et la confiance par  de  fréquentes revues de ses troupes, de distribution de récompenses méritées.

C’est à l’occasion d’une de ces  revues que le capitaine Claude René Bellanger a été décoré. En effet, le capitaine Claude René Bellanger  en reconnaissance de ses différentes actions et de sa bravoure, est fait Chevalier de la Légion d’Honneur (N° 16 455 ) le 14 avril 1807 .Cette récompense était particulièrement appréciée des soldats de Napoléon qui la préférait à tout autre, même a un avancement au grade supérieur.

Dans ces plaines immenses où les villages étaient peu nombreux et très pauvres, on eut grand mal à se procurer des vivres, pain pour les hommes, fourrage pour les chevaux. La rareté des routes, les marais innombrables, le climat avec ses grandes chutes de neige, ses dégels brusques, couvrant les chemins et les champs d’une boue gluante, où s’enlisaient les troupes, rendaient impossibles toutes manœuvres rapides. Dans les rencontres, les Russes opposaient une résistance obstinée « Il fallait les tuer deux fois » disaient nos soldats. Mais Français et Russes si prêts à s’égorger au premier signal s’entendent pour partager les faibles ressources qui se trouvent à leur disposition et établir entre eux une trêve tacite bien observée. A titre d’exemple le fait suivant est assez révélateur de cet état d’esprit.

Le retard des convois de subsistances force souvent les soldats à s’écarter des cantonnements pour aller chercher des vivres au loin. Quelques soldats français passent ainsi dans une île de la rivière Omulew, pour enlever des pommes de terre enfouies par les paysans. Ils rencontrent des cosaques venus dans le même dessein. Les deux partis entrent en pourparlers. Il est alors convenu que chacun d’eux laissent ses armes dans les barques ; les recherches seront faites de concert et les vivres partagés. Les Français, plus vifs et plus habiles que les Cosaques ramassent tous les légumes.  Cependant, remplissant religieusement les termes du contrat, ils partagent leur récolte et les détachements emportent leur portion et se quittent bons amis.

Pendant le printemps des combats sporadiques ayant pour but de fixer l’armée russe se poursuivent. Finalement dans les premiers jours de juin une manœuvre de Napoléon en direction de Königsberg détermina  Bennigsen le commandant des troupes russes à tenter une attaque de flanc et l’Empereur put enfin atteindre l’armée russe.

Les Russes attaquent le 6ème Corps  le 6 juin. Ils sont repoussés. Jamais le maréchal Ney ne montra plus de sang froid et d’intrépidité que dans ce combat mémorable ; ses manœuvres brillantes, l’impulsion qu’il donna à ses troupes si inférieures en nombre, et l’habileté déployée par ses commandants de division notamment du général Marchand  division, à laquelle appartient le 76ème R I, décident de la victoire

page 448 gauche Friedland le 6 juin 1807

Le Maréchal Ney ne pouvait opposer que 15 000 hommes face aux 30 000 hommes d’infanterie et 15 000 cavaliers russes Au lieu de décamper à la hâte, Ney attendit fièrement l’ennemi ; ses brigades étaient disposés en deux échelons . Chaque échelon, avant de se retirer, fournissait son feu , souvent même chargeait à la baïonnette, après quoi, il se repliait et laissait à l’échelon suivant le soin de contenir les Russes. Grâce à un habile choix des positions, grâce aussi à un aplomb extraordinaire chez ses soldats, les troupes ennemies mirent plusieurs heures à parcourir moins de deux lieues.  Pour contourner un petit lac  l’ennemi  se divise en deux. L’intrépide Maréchal reprend l’offensive, le charge et le repousse au loin, Il se ménage ainsi le temps de regagner, paisiblement le pont de Despen, derrière lequel il devait être à l’abri de toute attaque. C’est au cours de l’une de ces actions que le Capitaine Claude René Bellanger a été blessé d’une balle au pied gauche le 6 juin 1807.

Les combats se poursuivent la vrai bataille de Friedland se déroule le dimanche 14 juin Le rôle du 6ème corps est encore prédominant  puisqu’il est  chargé de se jeter et bousculer l’ennemi  contenu par les corps de Lannes et de Mortier « sans regarder autour de lui, quoiqu’il puisse en coûter »  suivant les ordres de l’empereur . Le plan a été ponctuellement exécuté et l’ennemi en fuite est poursuivi par les corps  de Murat et de Davout.

L’Empereur donne au maréchal NEY l’ordre d’attaquer Friediand

Malheureusement au cours de cette bataille le colonel Faure-Lajonquière commandant le 76ème R I est mortellement blessé. Il sera remplacé  par le colonel Chemineau Jean qui restera à la tête du Régiment jusqu’en 1811. Il sera promu général et Baron d’Empire plus tard.

La guerre d’Espagne 

L’Espagne résiste à l’impérieuse volonté de Napoléon qui veut lui imposer le blocus continental. L’Empereur destitue Charles IV roi d’Espagne pour proclamer son frère Joseph, roi d’Espagne. Indignée la fière nation espagnole se soulève ; moines, nobles, bourgeois, paysans, tous prennent les armes. Ils seront bientôt aidés par l’ Armée anglaise commandée par Wellington .

Le 17 août 1808, le VIème corps d’Armée du maréchal Ney quitte le camp de Golgau en Silésie et son délicieux farniente pour aller faire connaissance avec les fiers Castillans. Le 76ème Régiment d’infanterie et notre capitaine Bellanger quelques mois plus tard seront bientôt de l’autre côté des Pyrénées à proximité de la Corogne avec l’Armée d’Espagne.

Le Français d’alors est bon marcheur. Le fantassin supporte le plus lourd du poids de la bataille il en a pleine conscience et il en est fier, les sous officiers connaissent leur métier et ils donnent l’exemple. Sous leur rudesse, les officiers sont dignes de leur troupe : presque tous ont porté le sac. Signes caractéristiques ils chantent tous ensemble. En principe les uns et les autres accomplissent toute leur carrière au sein du même régiment où ils maintiennent cet esprit de corps qui permet de rester le col boutonné par 40° à l’ombre, mais aussi de crâner quand la peur vous tord les entrailles

Les itinéraires sont définis par l’Empereur lui même. Il précise dans sa correspondance du 19 août 1808 au général Clark, Ministre de la guerre. Indépendamment du 1er et du 6ème Corps de la Grande Armée, le 5ème doit également venir à Mayence et de là à Bayonne. Je désirerais que ces trois corps  suivissent  tous trois la route la plus courte, c’est-à-dire celle de Metz, je ne pense pas qu’il y ait d’inconvénient, puisque ces corps marcheront à plusieurs jours de distance l’un de l’autre. Le 6ème arrivera au moins six jours après le 1er et le 5ème, six ou huit jours après le 6ème.

L’Empereur précise aussi dans sa correspondance que les régiments de ligne qui vont former l’armée d’Espagne aient leur trois premiers bataillons en Espagne et le 4ème à Bayonne pour recevoir des conscrits; le 5ème Bataillon au dépôt. On sait d’autre part que le 76ème Régiment d’Infanterie de ligne en Espagne et au Portugal fera toujours partie du 6ème corps commandé par le Maréchal NEY jusqu’en 1810, puis par le Général LOISON en 1811 et 1812

En 1808 après avoir détrôné le roi Charles IV d’Espagne, Napoléon place son frère Joseph Bonaparte sur le trône .Les Espagnols se révoltent et le chassent de Madrid. Une lutte violente (1808-1814) s’engage alors entre les Français, bien décidés à rendre le trône d’Espagne à Joseph, et les Espagnols, secondés par les troupes anglaises.

La guerre d’Espagne est la première guerre nationale. Napoléon trouve devant lui un peuple soulevé pour chasser l’envahisseur et  assurer son  indépendance. En Espagne l’élan  national a été universel. Dans chaque paysan il y a un soldat, chez qui le fanatisme patriotique est décuplé par la passion  religieuse:

«Est-ce un péché de tuer un Français? Non, on gagne le ciel en tuant un de ces chiens hérétiques»

Formés en bandes ou «Guérillas», aidés par le pays lui-même coupé de montagnes, sillonné de ravins propres aux embuscades, les paysans harcèlent les colonnes, enlèvent les convois, massacrent les isolés, les traînards, les blessés, les malades.

En Espagne à partir de 1808, l’infanterie doit en outre  apprendre à contrer  la guérilla par une plus grande mobilité, par l ‘action de petits détachements isolés et par l’application rigoureuse des règles de sécurité.

Cette guerre d’Espagne «Guerre qui fait horreur, guerre antihumaine  antiraisonnable car pour y conquérir une couronne il faut d’abord y tuer une nation »  comme l’écrivait LANNES à Napoléon, cette guerre si longue confuse et sans intérêt a usé les meilleurs soldats de la France.

Le Capitaine Bellenger du 76ème R I est toujours à la  Division général Marchand, du 6ème Corps commandé par le maréchal Ney. Il arrive en Galice, la partie nord ouest de l’Espagne  dans les derniers jours du mois de janvier 1809 Après des marches pénibles au milieu de montagnes escarpées, de sentiers presque impraticables et de défilés étroits, bordés de précipice, l’armée du Portugal  occupe successivement Lugo, La Corogne , El Ferrol del  Caudillo, et Saint Yago[5]

Dans ses campagnes, le capitaine Marcel note que son bataillon a été relevé  à Saint Jacques par un bataillon du 76ème Régiment et il précise que la compagnie de voltigeurs du 76 eut trente hommes hors de combat en moins d’une demi-heure par les habitants qui  fusillaient au passage par les croisés et par les soupiraux.

En   octobre  le 76ème Régiment d’Infanterie, participera à la prise de Logrono sur la rive droite de l’Ebre, puis s’empare de Soria et de Tamanès en novembre

Le Corps d’Armée comptait alors 22 000 combattants. La plupart avait fait les dernières campagnes d’Allemagne et de Pologne et s’étaient couverts de gloire  à Iéna, Ulm, Friedland… Tous avaient confiance dans l’expérience et les talents des chefs qui les menaient à la conquête  du Portugal. .

En  1810,  Masséna est à la tête de l’Armée du Portugal ; il charge Ney de prendre la place-forte de Ciudad Rodrigo. Outre la supériorité du nombre, l’ennemi  avait l’avantage de connaître le pays et les ressources qu’il offrait.   La garnison de Ciudad Rodrigo comprenait 7000 hommes et de nombreux paysans des environs, elle était très bien approvisionnée en vivres, armement et munitions. De plus elle était soutenue par les Armées Anglo-Portugaises de Wellington et l’Armée espagnole de La Romana.. Ciudad fut investie le 6 juin par le Corps d’Armée du Maréchal Ney  A partir du 25 juin  la place est bombardée par l’artillerie. Après de violents combats et une très forte résistance des assiégés les Français prennent possession de cette garnison le 10 juillet.

 


[1] SPM M37 tome 14 page 141

[2] Extraits du tome N 14 Victoires, conquêtes, désastres et guerres civiles des Français de 1792 à 1815 SPM M37

[3] Extraits du tome N 14 Victoires, conquêtes, désastres et guerres civiles des Français de 1792 à 1815 SPM M37

[4] S.P.M Bibliothèque M     37 Tome 17 page 20

[5]Victoire, conquêtes et désastres  Bibliothèque de la SPM  M 37 T 19 Page 6