Récit; L’abbé Marcel JEGO, prêtre, soldat, résistant mis à l’honneur le 08 mai 2025 à Crac’h

L’abbé Marcel JEGO, le parcours d’un prêtre de Crac’h de 1939 à 1945

Lors de la cérémonie du 08 mai 2025 à Crac’h, le parcours exceptionnel de l’abbé JEGO a été rappelé au nombreux public présent à la cérémonie commémorative des 80 ans de la capitulation de l’Allemagne nazie et de la fin des combats en Europe.

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Ce texte a été proposé par Laurent Picard et Robert Malard, historiens de la commune et membres de notre bureau du comité

 

Vicaire de la paroisse de Crac’h en août 1939 après fait ses études au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray puis au grand séminaire de Vannes , il est mobilisé le 1er septembre pour combattre contre l’Allemagne. Plusieurs fois blessé, il reprend son apostolat après la défaite, en septembre 1940.

Mais pour lui le combat n’est pas terminé et il va entrer dans la Résistance en juin 1942, sous le nom de Paul Marie BAYARD , sous lieutenant, chef du secteur de Crac’h au sein de l’Organisation de Résistance de l’Armée.

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Juin 1944

Il est 5 heures du matin ce vendredi 16 juin 1944 quand un camion allemand avec une trentaine de soldats à bord se gare devant le presbytère. Aussitôt le bâtiment est cerné. A l’intérieur le recteur Le Biboul entend le brouhaha et comprend qu’ils sont là pour l’abbé Jégo.

Il le prévient. Celui ci s’échappe par une fenêtre à l’arrière pour aller se cacher dans la salle des fêtes et se blottir sous la scène. Hélas les soldats aperçoivent sa silhouette quand il traverse la cour du patronage et ils ont vite fait de le sortir de sa cachette, couvert de toiles d’araignée, pour le ramener au presbytère et le consigner dans sa chambre.

Pendant l’arrestation, d’autres soldats ont commencé à fouiller la chambre du vicaire, puis ils poursuivent activement leurs recherches de la cave au grenier, et plus particulièrement à la cave. Ils interrogent les personnes présentes : le recteur, sa sœur Jeanne, la cuisinière, pour leur tirer des renseignements. Il va être 7 heures et le recteur demande l’autorisation d’aller ouvrir les portes de l’église car la veille c’était la communion solennelle et à 7 heures doit se tenir la messe de Persévérance.

Toujours seul dans sa chambre, Marcel Jégo profite de ces moments de confusion pour sauter par la fenêtre et après un bond de 5 mètres il se sauve rapidement dans la campagne, par le chemin du Pouléno.

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Sa cavale commence. Il gagne la ferme de Kergurioné, elle est la propriété du Colonel Müller, officier chez les FFI, et très vite un sympathisant le guide dans la nuit vers la chapelle du Plas Kaër , où l’attendent ses habits civils cachés dans une planque qu’il avait aménagée sous la statue de ND des 7 douleurs .

L’abbé prend alors un risque inouï, il revient dans le bourg chez Clémentine, et la prie de demander au Recteur de lui porter la communion. Ce dernier y consent, lui donne des vivres et lui ordonne de quitter très vite le pays car les Allemands le recherchent, sa tête est mise à prix par la Gestapo et son signalement (en soutane) a été donné dans toute la région.

Il rejoint le lendemain la ferme de Kernévilit où Jean Thomas, membre de la Résistance l’aide à franchir la rivière d’Auray, près du Fort Espagnol. À vélo il se rend à travers la campagne à Berder, où il est hébergé par le chanoine, puis s’embarque sur l’île aux Moines où il est reçu par son cousin le recteur Pierre Dréan . Il est difficile à être identifié dans son accoutrement civil. De là il débarque à Sarzeau afin de gagner sa commune natale, Ambon, qu’il rejoint à vélo. C’est une délivrance pour sa famille qui pensait qu’il avait été fusillé. Il est caché par les siens, mais la pression devient trop importante et Marcel doit fuir, direction Le Hézo où il embarque sur le bateau d’un pêcheur pour gagner Séné. Logé au presbytère, son hôte le père Gouzerh obtient de l’évêque de Vannes la délivrance d’un faux laisser-passer et d’une lettre d’introduction pour le Supérieur de l’abbaye de Langonnet.

Munis de ces précieux documents Marcel Jégo prend la route à vélo, et après quelques péripéties , surtout lorsqu’à la chapelle de Belléan ,entre Vannes et Mériadec, il aperçoit un camion allemand . Il descend de sa bicyclette, et simule une crevaison avant d’être pris en charge par les soldats qui le conduiront dans leur camion jusqu’à Sainte Anne d’Auray.  Il rejoindra alors sans autre difficulté l’abbaye de Langonnet.

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Il se fait oublier quelques temps à l’abbaye de Langonnet. La Bretagne est libérée dans la 2e quinzaine d’août 1944, à l’exception de la poche de Lorient et de la presqu’île de Quiberon. Marcel Jégo a été nommé aumônier militaire du régiment d’aviation de Lorient et de toute la côte du Fort de Penthièvre à Étel.

Il sait qu’au mois d’octobre, la statue de Notre Dame de Boulogne doit traverser le Morbihan lors de son pélerinage . Avec l’autorisation de sa hiérarchie, l’abbé Jégo se propose de négocier avec les Allemands le passage de la statue de Notre Dame de Boulogne sur le secteur de la poche de Lorient, avant qu’elle puisse rejoindre le Finistère, prochaine destination. Ses chefs acceptent et lui demandent de profiter de l’occasion pour tenter d’obtenir la reddition des troupes de la presqu’île qui sont maintenant  encerclées.

Le 2 octobre 1944 Marcel Jégo se rend en presqu’île de Quiberon. Il se présente au poste de garde allemand à l’entrée de la presqu’île, avec un drapeau blanc, et demande à rencontrer le commandant des forces allemandes. Après quelques temps d’attente sa demande est acceptée. Il est conduit, les yeux bandés, dans un blockhaus au centre de la presqu’île. Il se présente comme aumônier militaire des FFI venant traiter des conditions de reddition et de libération de la presqu’île. Il remet le pli, confié par sa hiérarchie au lieutenant-colonel, commandant des troupes allemandes . Le courrier traduit est lu en Français, en Anglais et en Allemand à tous les officiers présents.  Marcel Jégo argumente que le but est d’épargner des vies et d’éviter que le sang ne continue de couler inutilement. Après un long moment de discussion l’officier allemand refuse la proposition : » Je suis soldat, mon devoir m’interdit de me rendre. Nous nous ferons tuer jusqu’au dernier ».

L’entretien est terminé. L’abbé Jégo est reconduit, les yeux bandés, au poste de Plouharnel. Même si cette mission n’a pas réussi elle ne manque pas de courage, sachant qu’il était toujours recherché par les Allemands.

Il reprend sa fonction d ‘aumônier militaire auprès des FFI, dans le secteur de Carnac Plouharnel. Toujours sans arme, il est au milieu de tous ses camarades pour leur remonter le moral, les consoler, les soigner, les accompagner dans les derniers moments, animer les messes dans les villages. Il sera même blessé lors d’un combat lors de la libération de Plouharnel.

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L’armée allemande capitule le 8 mai 1945, c’est la libération. Quiberon, comme la poche de Lorient, est libérée le 10 mai1945 par les FFI et une division de l’armée américaine. Quelques jours plus tard le 16 mai 1945 il connaîtra l’une de ses plus douloureuses missions : il devra identifier les corps des 59 résistants torturés, exécutés puis emmurés dans le Fort de Penthièvre.  A cet instant il se souvient sans doute de ce 16 juin 1944 : s’il n’avait pas sauté par la fenêtre du presbytère il pourrait être là avec ses camarades résistants. Le 2 juillet 1945 Marcel Jégo est démobilisé.

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Chaque année le 13 juillet une cérémonie commémorative se déroule devant le fort de Penthièvre au pied du monument érigé en l’honneur de ces résistants fusillés.

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